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Une femme a-t-elle le droit de voyager sans mahram ?

Question :

J’aurai besoin qu’on m’éclaire sur la question suivant laquelle la femme ne doit pas voyager seule. Je suis perdue à cause des divergences. Pourriez-vous me donner votre réponse s’il vous plaît ? Sachant que je suis une femme, je voyage seule et mes parents me font totalement confiance. Je voyage avec des femmes de ma communauté. Nous visitons des pays musulmans. Pourrais-je avoir votre point de vue s’il vous plaît ?

Réponse :

Avant de répondre à votre question, je rappelle d’abord certains points concernant le voyage d’une femme :

1/ L’interdiction du voyage sans la présence du mari ou d’un mahram :

Le Prophète (SSSL) dit : « Il n’est pas permis pour une femme qui croit en Dieu et au jour dernier de voyager pendant un jour sans la présence d’un mahram » (rapporté par Bukhari et Muslim sur Abou Hourayra (QDLA)).

Donc ce hadith interdit à la femme de voyager seule sans être accompagnée par un mahram. Notons que le mahram comprend le mari ou tout homme qui ne peut jamais se marier avec une femme comme son père, son frère ou son fils. Autrement dit, il est permis à la femme de voyager en présence d’un mahram.

Cette interdiction a été rapportée dans plusieurs hadiths authentiques par plusieurs compagnons comme Abou Hourayra, Abdullah fils d’Omar, Abou Saïd Al Khoudhri et Abdullah fils d’Abbas (QDLA). Certaines versions ont cité un voyage de trois jours, d’autres de deux jours alors que la première a parlé seulement d’un jour. Ces différentes durées de voyage sont à l’origine de la divergence que l’on retrouve entre les savants lorsqu’il s’agit de définir la distance minimale justifiant le voyage.

2/ Le voyage par nécessité ou par contrainte :

A l’unanimité des savants, la femme est autorisée à voyager seule en cas de nécessité ou de contrainte car la mère des croyants Oum Salamah (QDLA) a fait son voyage d’hégire, sans mahram, accompagnée uniquement d’un homme associateur, afin de fuir l’injustice des  associateurs mecquois. De même, la mère des croyants Aïcha (QDLA) a continué, sans mahram, un voyage, où elle a été abandonnée involontairement par les musulmans, accompagnée uniquement par Safwan (QDLA) (rapporté par Bukhari et Muslim).

3/ Le voyage pour le pèlerinage sans mahram :

Il y a eu une divergence entre les savants autour de ce point, lorsqu’une femme veut accomplir l’obligation du pèlerinage alors qu’elle ne trouve pas un mahram disponible :

a. Selon certains (les Hanbalites), le pèlerinage n’est obligatoire qu’en cas de présence d’un mahram. Sinon, la femme seule n’est pas tenue de le faire.

b. Selon d’autres (les Hanafites), le mahram n’est exigé pour le pèlerinage d’une femme que lorsque le voyage dépasse trois jours, comme le souligne un hadith prophétique. Par contre, pour une durée inférieure à trois jours la femme est autorisée de voyager sans mahram.

c. Une autre partie de savants a exigé soit la présence du mahram ou soit celle :

– d’une compagnie sûre de personnes selon les Malikites ;

– d’une compagnie sûre de femmes à partir de deux et plus selon les Chafiïtes afin que le pèlerinage soit obligatoire pour une femme. Par contre, si cette dernière le fait avec une seule femme, son pèlerinage obligatoire est valide (et non le surérogatoire).

L’argument de ces deux dernières écoles est l’autorisation du Calife Omar (QDLA) accordée aux femmes du Prophète (SSSL) de voyager, sans mahram, accompagnées d’Othman fils de Affan et d’Abdurrahman fils de Aouf (QDLA) (rapporté par Bukhari). Cela signifie que plusieurs compagnons (dont Omar, Othman, Abdurrahman et les femmes du Prophète (SSSL)) étaient d’accords sur le fait que la compagnie sûre suffit pour le pèlerinage d’une femme sans mahram. Sachant qu’aucun autre compagnon n’a critiqué cette décision.

d. Certains ont autorisé à la femme de voyager, sans mahram, au pèlerinage si la sécurité règne sur la route du pèlerinage. Et ils ont expliqué l’interdiction faite au voyage d’une femme seule, à l’époque du Prophète (SSSL), par la guerre contre les associateurs et la présence des pirates de route. Ce qui signifie que l’islam n’a pas réduit la liberté de la femme en lui interdisant de voyager seule, mais il a plutôt voulu la préserver des dangers à une époque où régnait l’insécurité dans la péninsule arabique. Cette interdiction n’est donc plus d’actualité à une période où la sûreté est retrouvée. Cet argument était peut-être à l’origine de la décision d’Omar (QDLA) d’autoriser le pèlerinage des femmes du Prophète (SSSL) sans mahram car la sécurité dominait l’état musulman et avait remplacé l’insécurité occasionnée auparavant par la guerre. L’avis d’autorisation conditionnée par la sécurité trouve son argument dans le hadith où le Prophète (SSSL) dit à Adye fils d’Hatem (QDLA) : « Si tu vies longtemps, tu verras certes le voyage de la femme de Hira (ville iraquienne) dans le but de faire le tawaf autour de la Kaaba, sans craindre personne à part Dieu ». Adye (QDLA) a dit par la suite : « J’ai bien vu la femme qui voyageait de Hira jusqu’au point d’accomplir le tawaf autour de la Kaaba, sans craindre personne à part Dieu » (rapporté par Bukhari).

Ainsi, ce hadith laisse bien entendre que l’interdiction du voyage d’une femme seule au début de l’islam était justifiée par l’insécurité car le Prophète (SSSL) avait bien annoncé la bonne nouvelle de la réalisation de l’état de sûreté où la femme pourra finalement voyager sans mahram étant donné qu’elle n’aura plus peur.

4/ Le voyage pour le commerce ou pour toute autre chose :

La majorité a interdit le voyage d’une femme sans mahram pour toute autre raison que celle du pèlerinage étant donné les hadiths d’interdiction mentionnés ci-dessus et étant donné l’autorisation qui a été faite uniquement pour le voyage vers la Mecque dans le but de l’adoration obligatoire. Néanmoins, certains savants l’ont autorisé en cas de sécurité, sans mahram, et sans aucune distinction entre le voyage en général et le pèlerinage en particulier vu que les hadiths d’interdiction concernaient tout voyage sans mahram, que ce soit pour la Mecque ou pour toute autre direction. Or nous avons vu que la raison de l’interdiction était l’insécurité, par conséquent, la présence de la sécurité met fin à cette restriction pour tout type de voyage en ce qui concerne la femme.

Conclusion :

Aujourd’hui, des gens continuent à interdire à la femme de voyager sans mahram dans tous les types de voyage, court ou long, sauf pour le pèlerinage que certains autorisent sous certaines conditions.

A mon avis, à notre époque où les moyens de transport rapides ont énormément écourté la durée des trajets, le voyage d’une femme, sans mahram, est autorisé car l’interdiction concernait le voyage dépassant un jour de route. Or à notre époque, un voyage international en avion ne dépasse pas quelques heures, donc il n’est pas concerné par l’interdiction. Et même lorsqu’il s’agit d’un long voyage, le trajet ne dépasse pas vingt-quatre heures, ou bien il est séparé par l’escale dans un aéroport. Ce qui lui enlève l’aspect d’un voyage continu et fait de lui deux voyages dont chacun est inférieur à un jour.

De même, Au sein d’un pays, les voyages, par bus ou train, font eux aussi moins d’un jour. Sinon, la femme peut prévoir une pause dans une ville pour couper le voyage en deux parties dont chacune est inférieure à un jour.

De plus, à notre époque il y a la sécurité ainsi que la compagnie sûre dans un avion, un train ou un bus, car des dizaines ou des centaines d’hommes et de femmes voyagent ensemble.

Donc la femme peut voyager sans mahram à notre époque pour visiter sa famille dans une autre ville ou dans un autre pays, pour poursuivre ses études, pour le commerce, pour le tourisme, pour l’Omrah ou le pèlerinage, ou pour toute autre raison valable. Si la femme est accompagnée par des amies sûres ou par un groupe sûr d’hommes et de femmes de connaissance, cela est encore mieux.

Notons, quand même, que l’autorisation est conditionnée par la sécurité. Si cette dernière disparait, ou si la femme veut voyager vers une destination où il y a l’insécurité, l’interdiction du voyage sans mahram redevient la norme comme à l’aube de l’islam.

Au final, si aujourd’hui le voyage d’une femme sans mahram n’est plus interdit, nous pouvons, quand même, dire qu’il reste désagréable (makrouh = inférieur au haram) surtout pour des raisons touristiques. Car certaines personnes peuvent porter atteinte à l’honneur de cette femme pratiquant ce voyage en disant des choses désagréables à son encontre, ce qui pourrait avoir des conséquences négatives sur sa vie familiale ou sur sa réputation précédant un éventuel mariage. Ce qui nous ramène à encourager la musulmane à voyager dans la limite du possible en famille ou au moins avec un mahram.

Wa Allaho a’lam.

Dr. Mohamed NAJAH

Vice-président du Conseil Théologique Musulman de France.

Fondateur de l’Institut Najah en ligne des Sciences Islamique

www.institut-najah.com

21/12/2019
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